Chapitre 1 : La lettre cachée
Ce matin-là, rien ne laissait présager que la vie de Julie allait basculer à tout jamais. Pourtant, en vidant le grenier poussiéreux de la maison de son enfance, elle était loin d'imaginer qu'elle s'apprêtait à faire une découverte qui allait bouleverser le cours de son existence.
Cela faisait trois jours que Julie triait méthodiquement les affaires de son père, décédé la semaine dernière après une longue maladie. Elle ouvrait chaque carton avec précaution, retrouvant avec émotion les traces du passé. Des jouets d'enfants, des vêtements démodés, de vieilles photos jaunies... Autant de fragments d'une autre époque qui ressurgissaient sous ses doigts. Paul, son mari, l'aidait du mieux qu'il pouvait, tout en gérant leur fille Lucie, 16 ans, obsédée par son téléphone portable. Quant à leur fils Hugo, 18 ans depuis peu, il était reparti la veille pour sa première année d'études à la faculté.
Julie soupira, essuyant la sueur qui perlait sur son front. Elle avait insisté pour s'occuper seule du contenu de ce carton, qu'elle venait de dénicher au fond du grenier. Sur le couvercle était écrit « Affaires personnelles - Ne pas ouvrir ». Intriguée, elle l'avait descendu discrètement dans la cuisine pendant que Paul chargeait la voiture de vieilleries diverses. Elle ressentait le besoin étrange d'affronter seule ce pan mystérieux du passé de son père.
Assise à la table de la cuisine, Julie déballa délicatement le contenu du précieux carton. Il renfermait essentiellement des paperasses administratives, des factures et papiers en tout genre. Rien de bien palpitant au premier abord. Elle allait refermer le couvercle, légèrement déçue, lorsqu'une enveloppe attira son attention. Glissée entre deux dossiers, elle portait son prénom « Julie » tracé dans une fine écriture élégante.
Le cœur battant, Julie s'en saisit d'une main tremblante. Qui avait pu écrire cette lettre destinée à elle seule ? Pourquoi avait-elle été soigneusement conservée par son père pendant toutes ces années ? De plus en plus intriguée, elle décacheta fébrilement l'enveloppe. La lettre avait été rédigée sur un papier de qualité, qui avait jauni avec le temps. Julie reconnut aussitôt l'écriture de sa mère, Sophie, décédée quand elle avait 10 ans. Elle se plongea dans la lecture du message, daté de juillet 1977 :
« Ma petite Julie, Si tu lis cette lettre, c'est que tu as découvert le secret que ton père et moi avons gardé si longtemps. Nous voulions te protéger, te voir grandir sereinement, même si cela impliquait de te cacher une part de la vérité. Sache que quoi qu'il arrive, nous t'avons aimée et élevée comme notre propre fille. Tu es la lumière de notre vie depuis le jour où tu es née. Mais aujourd'hui, je ressens le besoin de tout t'avouer. J'aurais aimé trouver le courage de te parler en face, mais j'ai trop longtemps repoussé cet instant. Pardonne-moi. Julie, tu as été adoptée. Ton père et moi n'avons pas pu avoir d'enfants. Un drame intime que je ne développerai pas ici. Quand l'assistante sociale nous a appelés ce matin de juillet 1977 pour nous dire qu'un bébé venait de naître,那nous y avons vu un signe du destin. Dès que nous t'avons vue, si petite, si fragile, nous avons su que tu étais notre enfant. Que le sang n'y changeait rien. Nous t'avons adoptée et aimée comme la prunelle de nos yeux. Ton acte de naissance original est joint à cette lettre si un jour tu souhaites connaître l'identité de tes parents biologiques. Sois certaine que quoi qu'il arrive, tu resteras à jamais notre précieuse fille. Je te laisse le choix de ce nouveau chemin. Je t'aime, Maman. »
Julie resta un moment prostrée, la lettre tremblotant dans sa main. Elle dut la relire plusieurs fois avant d'admettre la signification de ces mots qui bouleversaient tout. Adoptée.
Elle était adoptée.
Ses parents qui l'avaient élevée n'étaient pas ses parents biologiques. Tout ce qu'elle croyait savoir sur ses origines venait de voler en éclats.
Sous le choc, elle fouilla fébrilement dans l'enveloppe et en sortit une feuille administrativa intitulée « Extrait d'acte de naissance ». Elle y lut le nom de sa mère biologique, Annie Martins, et de son père, inconnu. Elle avait donc une autre mère quelque part. Une mère qui l'avait abandonnée.
Le souffle court, Julie rangea soigneusement la lettre et l'acte de naissance dans l'enveloppe qu'elle glissa dans son sac. Elle entreprit de remballer le carton comme si de rien n'était, le cœur cognant dans sa poitrine.
Lorsque Paul revint dans la cuisine, il la trouva en train de préparer le déjeuner, faussement concentrée sur la découpe des légumes.
Elle mourrait d'envie de se confier à Paul. Mais une force irrésistible la poussait à garder le secret, au moins pour le moment. Elle avait besoin d'y voir plus clair, de comprendre.
Ce soir-là, allongée aux côtés de Paul qui dormait déjà, Julie fixa longuement le plafond, des milliers de questions se bousculant dans son esprit. Qui était cette Annie qui lui avait donné la vie ? Pourquoi l'avoir abandonnée ? Avait-elle d'autres enfants ? Était-elle encore vivante ? Et surtout... pourquoi ses parents adoptifs lui avaient-ils caché la vérité si longtemps ?
Julie savait au plus profond d'elle-même qu'elle devrait mener l'enquête pour obtenir des réponses. Et qu'elle était prête à tout pour déterrer les secrets du passé, quitte à bouleverser sa vie tranquille.
Le lendemain, elle appela son travail pour prendre un congé. Il était temps pour elle de partir sur les traces de son histoire. Sans se douter qu'au bout du chemin, une étonnante vérité l'attendait.